VOYAGES et BALADES

I. Le musée du bois ou il était une fois dans l'est

photo de DanyAprès le départ d'Alex, nous filons en direction du Baïkal. Etonnamment, la route est en très bon état; chaque hiver, les températures peuvent atteindre -40 °C et plus de 30 °C en plein été. Le ministère de l'équipement français devrait peut-être se renseigner... Le paysage est extrêmement valloné et quasi entièrement recouvert de forêts de pins. Voila exactement comment je me représentais la taïga: une forêt dense de conifères où l'on peut croiser le fameux tigre de Sibérie (même si ce fameux tigre devient très rare et est beaucoup plus à l'est du pays). De temps en temps, au sud de la route, on voit apparaître un lac; en fait il ne s'agit pas d'un lac mais de l'Angara, la seule rivière qui s'écoule du Baïkal et qui rejoint plus au nord l'Ienisseï qui elle-même se jette dans la mer de Kara, tout près du pôle nord. Au bout de 50 km et de l'analyse psycho-méta-physico-sociologique d'une bonne dizaine de clips de pop-rock russe avec Olivier, nous descendons admirer le musée de l'architecture du bois. A ce photo de Danymoment là, il pleut des cordes et on a l'impression que la température a encore baissé. La neige n'est plus très loin si ca se trouve! Faut reconnaitre que ce n'est pas vilain et que le bois est cette fois, contrairement à Iékatérinbourg, bien patiné par le temps. On nous explique qu'en fait les maisons ont été reconstruites à l'identique et surélevés à l'endroit actuel à cause de je ne sais plus quelle raison (barrage, tremblement de terre, etc...). Il y a tout un village et même un semblant de rempart; on en profite pour voir l'ancienne école qui fait penser aux écoles françaises du début du XXème siècle avec les grands pupitres en bois et leur petit trou pour l'encrier et la plume. Malgré le sol spongieux et boueux et le temps bouché, j'essaye de prendre une photo du paysage visible. Retour au bus de Sergueï qui nous emmène quelques dizaines de mètres plus loin. Arrivé sur un petit parking, on aperçoit un arbre à voeux où sur la plupart des branches se trouvent des petits bandeaux symbolisant chacun un voeu d'un touriste étant passé dans le coin. Issue à priori d'une vieille pratique chamaniste, Sergueï nous passe un petit bandeau pour que nous puissions également faire un voeu. Le temps d'accrocher le bandeau et l'on voit Sergueï qui a sorti une petite table et des verres, qui nous attend la bouteille de vodka pimentée (la "Nemiroff") à la main. Pour la première tournée, il y va doucement au niveau dose mais il ne nous connait pas encore et au final il en reste bien peu; mais il faut bien finir et quelqu'un doit se dévouer...

Je viens de parler de chamanisme; qu'est ce que le chamanisme? Pour faire simple, même si ce n'est pas complètement exact, le chamanisme est une branche de la religion boudhiste où chaque élément de la nature possède une âme, un esprit: l'esprit de la forêt, ceux habitant le corps des animaux, etc... Les bouriates respectent donc énormément la nature. En repartant du musée du bois, on s'arrête quelques kilomètres plus loin à l'embouchure du Baïkal. En plein milieu, se trouve le "rocher du Chaman", lieu important pour les bouriates. Apparemment, autour de ce rocher du fait du courant, l'eau ne gèle jamais même si sur le lac, la glace peut atteindre près d'1 mètre 50 en plein hiver pendant les périodes de -40 °C. D'ailleurs, on observe les changements climatiques ici également car l'épaisseur moyenne de la glace en hiver, tend à fortement diminuer ces dernières années à cause du réchauffement. A propos de réchauffement, c'est loin d'être le cas lors de cet arrêt car la pluie qui s'était quasi arrêtée lors de la pose "Nemiroff" repartait de plus belle et qu'étant au bord du lac (plus proche d'une mer d'eau douce que d'un lac à proprement parler), nous étions balayés par le "vent du large". On voit des gens qui fument du poisson juste à côté; Olivier tente de négocier le poisson mais sentant le pigeon, le pêcheur cuisinier en demande beaucoup trop. Certains se sont réfugiés dans le magasin situé à côté et les emplettes vont durer un certain temps. Olivier en profite pour poser devant la "deudeuche" local et je me risque prudemment sur un ponton qui ne demandait qu'à s'effondrer dans les eaux de l'Angara.

Le rocher du chaman avec gros zoom
La Traban modèle 2004
Le ponton principal du port
photo de Loïc

 

II. La malédiction de la porte maudite ou l'hôtel démoniaque

On se retrouve ensuite à l'hôtel. Petite déception passagère car selon le descriptif, on devait dormir dans une datcha. Une datcha est la maison en bois traditionnelle russe. Il est vrai que l'hôtel est entièrement en bois apparent et malgré son état neuf - on a d'ailleurs trouvé sur le net une photo datant de 2-3 ans où l'hôtel est en construction - il y a un certain cachet pour ne pas dire un haut standing! Perdu dans un petit village de 2500 habitants, la réceptionniste parle parfaitement anglais par exemple. L'hôtel est situé dans une petite vallée où un des quartiers de Litvianska a été bati. L'autre quartier principal est le long du rivage, 2 km plus loin, face au port. Notre chambre a donc une vue dominante magnifique sur la vallée et au loin le Baïkal qu'on ne voit pas vu le temps. Grâce au temps frais, on peut mettre la crème fraiche sur le balcon ainsi que les framboises et les bouteilles. Olivier me met en garde; ici les portes sont identiques aux portes américaines et en gros, il faut tourner la chevillette pour que la bobinette cherre. Ne faisant pas attention au départ, j'ai rabattu instinctivement la porte de la salle de bains. Impossible de la réouvrir. D'où l'importance de la réceptionniste qui parle anglais car nous nous retrouvons seuls puisque la guide locale est repartie chez elle à Irkoutsk et qu'Alex est chez ses parents. Il faut croire que c'est quelque chose qui arrive rarement car après avoir passé 10 bonnes minutes à essayer de l'ouvrir, elle ira chercher un objet assez effillé pour finalement réussir à débloquer la porte.

Pour la fin de la journée, on a quartier libre; pendant qu'Olivier se prend une douche, je file repérer les environs et je remarque les 2 "magasins" de quartier. J'arrive ensuite au bord du lac et là, des bourrasques de vent m'accueillent mais le spectacle est grandiose! La pluie s'est enfin calmée et en contrepartie, les nuages dansent furieusement dans le ciel en formant des longs rubans gris plus ou moins prononcés qui apparaissent et disparaissent selon l'altitude des cumulus et autres stratus (pardon pour ma faible culture "nuageolistique"). Comme il ne peut plus, je décide de pousser la visite jusqu'au port en longeant la route et en prenant bien garde de ne pas me trouver au bord d'une flaque lorsqu'une voiture me dépasse. Je le sentais pas! Sans parler que le long du rivage, les vagues assez puissantes, avaient des embruns qui sautaient la digue et retombaient sur la route. Un autre hôtel est en train de se préparer dans une ancienne batisse ressemblant à une sorte de phare. La digue protégeant le port est saisissante: elle est faite en grande partie de rochers mais aussi de rondins de bois posés dans une logique qui m'a dépassé. Et au milieu de la digue, un trou; de quelques mètres seulement mais un trou quand même! Cela laisse imaginer la puissance de certaines tempêtes. De plus sur cette rive, il faut savoir que le fond du lac remonte très brusquement; on est sur une faille tectonique et le lac continue de s'agrandir et de s'approfondir. Imaginez qu'à 10 m du rivage, la profondeur atteint déjà 10 mètres!

La nuit commençant à arriver (il est à peine 19h), je rentre assez rapidement à l'hôtel vu que je n'ai rien pour que l'on me voit la nuit et que ma confiance envers les conducteurs russes est assez limitée vu leur tendance à doubler quand ils veulent et non quand ils peuvent. Dès que je rentre dans la chambre, Olivier me rappelle le problème de la porte vu que je suis un peu tête en l'air parfois. Je prends ma douche et évidemment je me retrouve coincé à l'intérieur de la salle de bains; je vais passer 10 bonnes minutes à tourner le bouton de la poignée dans tous les sens avant d'arriver finalement à ouvrir cette satanée porte; pour le reste du séjour, je la laisserai entrebaillée!

III. Les pique-assiettes ou le squat de la datcha neuve

Comme dit plus haut, on a été livré à nous-mêmes pendant toute la soirée. Après avoir légèrement perturbé le dîner des autres clients par quelques chants bien de chez nous et étant un peu déçu du repas servi, il est convenu de se retrouver dans le deuxième bâtiment de l'hôtel, qui comporte un salon à l'étage, afin de se partager les victuailles achetés sur le marché en fin de matinée. Evidemment, personne n'avait emporté de couverts pour ce voyage et donc discrètement, couteaux, fourchettes, cuillères et même assiettes se sont retrouvés malencontreusement cachés par un sweat ou encore glissés dans des poches. Quelques minutes après le dîner et après avoir fait un récapitulatif des réserves que nous avions, une drôle de procession, telle la secte "de la table de Gargantua" (dont le thème central est "la priorité à la dégustation de la nourriture locale"), dans la nuit noire, se déroule, chargée de sacs se dirigeant vers le bâtiment où se trouve le salon. Le salon est composé de larges fauteuils et d'une grande banquette en mousse. On sera raisonnable, on terminera relativement tôt afin de ne pas trop déranger les autres clients qui passaient et repassaient à côté de nous pour rejoindre leurs chambres en écarquillant les yeux lorsqu'ils voyaient ce méchoui improvisé! Bien évidemment, le personnel de l'hôtel n'a pas beaucoup apprécié lorsque nous avons rendu les couverts vers 23h (sic!).

Avec Olivier, on décide de parti faire un petit footing dans le quartier afin de digérer. On s'arrêtera par pur hasard, au magasin qui était encore ouvert et on essaye tant bien que mal de demander à la jeune vendeuse si elle a du caviar rouge vu que Alex nous avait donné le nom en russe avant de partir. Même en le cherchant du regard, on n'arrivait pas à le trouver et finalement après un bon 10 bonnes minutes de rigolade, de sourires et de tentatives désespérées de bonne prononciation, la jeune fille nous montre la bonne boîte! Boulets que nous étions, nous n'avions pas d'argent sur nous et voila qu'on essaye à nouveau de se faire comprendre en demandant à quelle heure ils ouvrent le lendemain matin. La simulation du ronflement est universelle et l'indication de la montre nous permet de facilement nous faire comprendre. La journée très chargée du lendemain ne nous permettra finalement pas de retourner voir la jolie vendeuse!

 


Voyages.et.balades © 2005-2006 Sébastien Barbelin